31 Jul 2017
CIEL Finance

Interview of Thierry Hugnin, Co-Founder and Managing Partner of Kibo Capital Partners by Investor's Magazine

Interview de Thierry Hugnin par Investor's Magazine No 6 (juillet-août 2017)

Thierry Hugnin sur le Kibo Fund II : « Nous venons de réaliser notre quatrième investissement »

Thierry Hugnin, co-fondateur et Managing Partner de Kibo Capital Partners, offre son analyse sur les perspectives en Afrique. Il détaille aussi pour Investor’s les deux fonds lancés par la compagnie spécialiste du private equity.

Investor's Magazine : Kibo Capital a lancé Kibo Fund I et Kibo Fund II, où en êtes-vous avec ces fonds d’investissement ?

Thierry Hugnin : Les deux fonds (private equity) ont été lancés, l’un en 2008 et l’autre en 2014. Ce sont des Close-Ended-Funds, qui ont une durée de vie de 10 ans, « fully licensed » par la FSC. Ces fonds permettent aux investisseurs institutionnels internationaux et régionaux notamment, d’investir dans des entreprises en pleine expansion dans la zone africaine. La phase d’investissement dure environ cinq ans, période durant laquelle nous faisons nos investissements. Il y a ensuite une phase de réalisation, « exit phase », durant laquelle les investissements effectués au début sont réalisés, et c’est là où la plus-value remonte aux investisseurs. Nous avons un bureau à Maurice et un à Nairobi au Kenya.

Le premier fonds (Kibo Fund I) est d’à peu près USD 40 millions et se trouve dans sa neuvième année. On a déjà effectué deux « full exits » dans un portefeuille de six investissements et un « partial exit». Le second (Kibo Fund II) a connu une levée de fonds de USD 65 millions et est actuellement en phase d’investissements.

Investor's Magazine : Parlez-nous de ces « exited investments ». Que pouvez-vous nous dire sur leurs retours ? 

Thierry Hugnin : De nos six investissements, comme souligné, nous avons réalisé deux sorties complètes et une sortie partielle jusqu’à présent. La première fut dans le secteur de l’assurance en 2010, le second dans le secteur médical en juin 2015 et le troisième (partiel) dans le secteur financier en octobre 2015. Leurs retours ont été très satisfaisants dépassant la barre des 30% en Euros. 

Investor's Magazine : Où en êtes-vous avec le Kibo Fund II ?

Thierry Hugnin : Nous venons de réaliser notre quatrième investissement. Nous travaillons par ailleurs sur trois autres deals. D’ici la fin de l’année, nous devrions avoir bien avancé au niveau des investissements du portefeuille.

Où avez-vous investi pour ce 4ème investissement ?

Thierry Hugnin : Le quatrième investissement s’est réalisé au Kenya dans le secteur manufacturier, plus précisément dans une compagnie fabriquant des emballages en plastiques pour d’autres entreprises dans divers secteurs. La compagnie est un des leaders en Afrique de l’Est.

Investor's Magazine : Quelles sont les cibles privilégiées dans vos investissements ?

Thierry Hugnin : Notre ciblons principalement les grosses PME africaines, qui ont un chiffre d’affaires existant entre USD 5 millions et USD 20 millions, et qui sont en phase d’expansion. Ce sont des sociétés bien établies, mais qui ont un besoin de capital. Ça peut être soit des entreprises endettées qui doivent assainir leur balance sheet, ou réduire le coût de leurs dettes ou des d’entreprises qui ont besoin d’un financement pour développer un projet. Un troisième schéma peut se présenter lorsque l’un des promoteurs existants souhaite sortir et se faire racheter pour réaliser un capital gain. Les transactions peuvent être une combinaison de ces trois schémas.

Nous aimons bien entrer en tant que « gros minoritaire ». L’idée n’est pas d’entrer pour gérer l’entreprise mais de créer un partenariat avec les actionnaires pour apporter un ‘value-add’ à l’entreprise basé sur notre expertise. Il s’agit d’investissements variant entre 20 et 40%, et on les protège avec un nombre de shareholder rights.

Investor's Magazine : Quels sont les pays où vous avez investi ?

Thierry Hugnin : Nous portons notre attention sur l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe. Les marchés clés où nous sommes le plus actif sont le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Mozambique, et Madagascar. Mais nous pouvons aussi investir en Éthiopie, en RDC, et jusqu’en Namibie. Nous ciblons principalement des sociétés qui opèrent dans le secteur des services, notamment financiers, comme les banques et les assurances, des secteurs liés à la qualité de vie comme la santé ou l’éducation ou encore des secteurs liés à la consommation domestique en pleine croissance en Afrique.  

Pourquoi l’Afrique ?

Thierry Hugnin : L’Afrique est en pleine croissance, et nous voyons l’émergence d’une classe moyenne dont le pouvoir d’achat augmente. Il y a de plus en plus de gros consommateurs qui souhaitent améliorer leur qualité de vie. Ils veulent avoir des maisons plus confortables, envoyer leurs enfants dans des écoles privées, avoir accès aux meilleurs soins médicaux, pouvoir voyager et ainsi de suite.

Une étude de McKinsey révèle que le marché des consommateurs en Afrique qui tourne aujourd’hui autour de 330 millions de personnes explosera la barre du milliard dans dix ans. Vous avez notamment de gros marchés prometteurs comme l’Éthiopie, dont la population atteint 100 millions d’habitants. Nous ciblons donc ces sociétés qui offrent des produits et des services qui seront en forte demande en Afrique, au cours des trois prochaines années.

Investor's Magazine : Qu’en est-il des risques inhérents aux investissements en Afrique ? 

Thierry Hugnin : Les risques politiques restent importants. Même si de nombreux pays africains ont bougé vers un système beaucoup plus démocratique, le risque politique reste considérable. Prenons l’exemple de Madagascar que nous avons vu faire du surplace pendant 10 ans, en raison d’un blocage politique.

Il y a aussi les risques macro-économiques. Certaines de ces économies ne sont pas assez diversifiées, trop tournées vers les matières premières. Ces économies ont été les premières à souffrir lorsqu’il y a eu une chute du prix des matières premières. Une situation qui amène des risques aussi au niveau du taux de change. Imaginez une chute du prix du cuivre pour un pays comme la Zambie, dont 70% de ses « foreign earnings » viennent du cuivre.

N’oublions pas les risques réglementaires. Le système institutionnel en Afrique s’améliore, mais peut parfois réserver des surprises. Vous pouvez investir dans une entreprise en règle, mais voir un beau jour, une nouvelle règlementation tomber, empêchant cette même société d’opérer pendant six mois.

On peut aussi ajouter d’autres risques opérationnels. Certains pays souffrent toujours, à titre d’exemple, de coupures d’électricité. L’Afrique du Sud en a souffert il y a quelques années de cela.

D’autres pays sont enclavés, où l’import et l’export ne se fait que par la route. A l’Est par exemple, les marchandises partent de Mombasa jusqu’au Rwanda. Si la route est coupée, et que la livraison des marchandises est retardée, cela a un impact considérable pour eux. Il s’agit de coûts opérationnels qui augmentent le coût du « doing business » en Afrique.

Investor's Magazine : Envisagez-vous un troisième fonds ?

Thierry Hugnin : C’est un peu prématuré à ce stade mais on commence à y réfléchir. On devrait affiner les choses l’année prochaine. Pour créer un tel fonds, il faut avoir des « cornerstone investors », des gros investisseurs qui sont prêts à vous suivre. Une fois que le fonds est ancré avec le commitment de ces investisseurs, qui sont des investisseurs connus et qui ont une bonne réputation, le fonds a plus de crédibilité pour aller sur le marché. Évidemment si vous avez de mauvaises performances dans vos fonds précédents, cela sera plus difficile de créer de nouveaux fonds.